Insect pathogens as biological control agents: Back to the future

Citation

Lacey, L.A., Grzywacz, D., Shapiro-Ilan, D.I., Frutos, R., Brownbridge, M., et Goettel, M.S. (2015). « Insect pathogens as biological control agents: Back to the future. », Journal of Invertebrate Pathology, 132, p. 1-41. doi : 10.1016/j.jip.2015.07.009

Résumé

Au cours des quinze dernières années, le développement et l’utilisation d’organismes entomopathogènes à titre d’agents de lutte biologique classique, augmentative et de conservation ont donné lieu à un certain nombre de réussites et de revers. Dans le présent article, nous faisons le point sur le développement et l’utilisation actuelle et future de virus, de bactéries, de champignons et de nématodes entomopathogènes spécifiques dans le cadre de stratégies de lutte intégrée contre les arthropodes ravageurs des cultures, des forêts et des milieux urbains et les insectes d’importance médicale et vétérinaire.
Les virus entomopathogènes constituent une importante source d’agents de lutte microbienne, en particulier pour la lutte contre les lépidoptères nuisibles. La majorité des recherches effectuées à ce jour ont été consacrées aux baculovirus, pathogènes efficaces de certains ravageurs importants à l’échelle mondiale devenus plus difficiles à combattre par suite de l’apparition d’une résistance aux pesticides ou des pressions visant à réduire les résidus de pesticides dans l’environnement. Les baculoviorus sont considérés comme des agents de lutte sans danger, faciles à produire en grande quantité, hautement pathogènes et faciles à formuler et à appliquer. De nouveaux produits à base de baculovirus font leur apparition dans de nombreux pays et occupent une part grandissante du marché des produits antiparasitaires, mais leur utilisation est limitée par l’absence de système de production massive in vitro pratique, leur coût de production généralement plus élevé ainsi que leur persistance limitée après l’application, la lenteur à laquelle s’exerce leur action létale et leur spécificité élevée à l’égard de l’hôte. L’élimination de ces obstacles constitue une priorité de recherche et pourrait permettre aux virus entomopathogènes d’occuper une place beaucoup plus grande sur le marché des produits antiparasitaires.
Un faible nombre de bactéries entomopathogènes ont été mises au point et commercialisées pour la lutte contre les insectes, dont plusieurs Bacillus thuringiensis ssp., le Lysinibacillus (Bacillus) sphaericus, des Paenibacillus spp. et le Serratia entomophila. Le B. thuringiensis ssp. kurstaki est la bactérie la plus largement utilisée pour la lutte contre les insectes ravageurs agricoles et forestiers, tandis que le B. thuringiensis ssp. israelensis et le L. sphaericus sont les deux principaux pathogènes utilisés contre les ravageurs d’importance médicale, dont de nombreux diptères vecteurs de maladies. Ces bactéries pathogènes allient les avantages des pesticides chimiques et des agents de lutte microbienne : ils agissent rapidement, sont faciles à produire à un coût relativement bas et à formuler, ont une longue durée de vie et peuvent être appliqués au moyen d’équipements d’épandage classiques et par voie systémique (c.-à-d. plantes transgéniques). Contrairement aux pesticides chimiques à large spectre, les toxines du B. thuringiensis sont sélectives et ont un impact environnemental négatif négligeable. Le B. thuringiensis (Bt) occupe plus de 50 % du marché des agents de lutte microbienne produits commercialement. Des recherches approfondies, notamment sur le mode d’action moléculaire des toxines Bt, ont été menées à bien au cours des deux dernières décennies. Les gènes Bt utilisés dans les cultures transgéniques résistantes aux insectes appartiennent aux familles des toxines Cry et des protéines insecticides végétatives. La très grande efficacité du Bt contre les ravageurs du maïs et du coton a permis de réduire considérablement les épandages d’insecticide chimiques à large spectre. La bactérie est en outre sans danger pour les consommateurs et les organismes non ciblés. En dépit des succès enregistrés, l’adoption des cultures Bt ne s’est pas faite sans controverse. Cette controverse est à l’origine de la perception généralisée dans certains milieux selon laquelle les cultures Bt sont dangereuses pour l’environnement, même si cela n’a jamais été démontré scientifiquement. Une utilisation accrue des produits à base de Bt et des produits transgéniques nécessitera non seulement la découverte d’isolats et de toxines plus efficaces, mais aussi l’amélioration des méthodes de formulation, des systèmes d’application et, en fin de compte, une acceptation plus générale par le public des cultures transgéniques exprimant des toxines Bt spécifiques à des insectes ravageurs bien précis.
De nombreuses espèces de champignons entomopathogènes sont naturellement omniprésentes dans l’environnement et causent des épizooties chez les insectes hôtes. Ces champignons possèdent de nombreuses caractéristiques souhaitables qui justifient leur développement comme agents de lutte microbienne. À l’heure actuelle, les pesticides microbiens commercialisés à base de champignons entomopathogènes occupent dans une large mesure des marchés de niche. La mise au point de divers nouveaux outils et techniques moléculaires a récemment mené à la reclassification de nombreuses espèces sur la base de leur phylogénie et à l’association des anamorphes (formes asexuées) et téléomorphes (formes sexuées) de plusieurs taxons entomopathogènes au sein de l’embranchement des Ascomycètes. Bien que ces champignons aient été longtemps considérés comme des pathogènes exclusifs des arthropodes, des études récentes ont démontré qu’ils occupent des niches écologiques très diversifiées, et l’on distingue aujourd’hui des espèces endophytes, antagonistes des maladies des végétaux, colonisatrices de la rhizosphère et promotrices de la croissance des végétaux. La mise au jour récente de ces caractéristiques ouvre la voie à l’utilisation des champignons à diverses fins. Certaines espèces pourraient être utilisées non seulement pour la lutte contre divers arthropodes, mais aussi pour la suppression des phytopathogènes ou des nématodes phytoparasites et la promotion de la croissance des plantes. Une meilleure compréhension de l’écologie des champignons s’impose pour préciser le rôle de ces organismes dans la nature et leurs limites à titre d’agents de lutte biologique. Pour satisfaire les demandes d’un marché en pleine expansion, il faudra mettre au point des systèmes de production massive, de formulation et d’application plus efficaces. On devra également procéder à des essais additionnels sur le terrain pour déterminer les effets des facteurs biotiques et abiotiques sur l’efficacité et la persistance des champignons. Enfin, il importe de faire une place plus importante aux champignons dans les programmes de lutte intégrée, et tout particulièrement de définir leur rôle dans des stratégies de lutte contre les arthropodes prévoyant leur utilisation en combinaison avec des prédateurs et des parasitoïdes afin de s’assurer de leur compatibilité et d’optimiser l’efficacité de telles stratégies.
Les nématodes entomopathogènes appartenant aux genres Steinernema et Heterorhabditis sont des agents de lutte microbienne efficaces. Des avancées importantes ont été réalisées dans la recherche et l’application des nématodes entomopathogènes au cours de la dernière décennie. Le nombre de ravageurs ciblés reconnus comme sensibles à ces organismes a continué d’augmenter. Des progrès ont été réalisés principalement dans l’utilisation des nématodes entomopathogènes dans le sol, où ces derniers sont protégés des conditions environnementales extrêmes, mais également dans leur utilisation hors terre, grâce à la mise au point de formulations leur conférant une meilleure protection. Les percées effectuées résultent également des améliorations apportées aux techniques de production in vivo et in vitro, de la mise au point de nouvelles méthodes d’épandage telles que l’application de cadavres d’hôtes et de l’utilisation de souches rendues plus efficaces par l’amélioration et la stabilisation de leurs caractères bénéfiques. Des travaux de recherche novateurs nous ont également permis de mieux comprendre certains aspects fondamentaux de la biologie des nématodes entomopathogènes et de réaliser des avancées importantes dans les domaines de la génomique, des relations symbiotiques entre les nématodes et les bactéries, des relations écologiques et du comportement alimentaire des nématodes entomopathogènes. Des recherches additionnelles s’imposent pour appliquer ces découvertes fondamentales à l’amélioration directe des méthodes de lutte microbienne.

Date de publication

2015-11-01