Les cytokinines sont abondantes et répandues parmi les espèces d’insectes

Citation

Andreas, P., Kisiala, A., Neil Emery, R.J., De Clerck-Floate, R., Tooker, J.F., Price, P.W., Miller, D.G., Chen, M.S., Connor, E.F. (2020). Cytokinins are abundant and widespread among insect species. Plants, [online] 9(2), http://dx.doi.org/10.3390/plants9020208

Résumé en langage clair

Les cytokinines (CK) sont une classe de composés chimiques dont on a longtemps pensé qu’ils étaient produits exclusivement par les plantes pour réguler leur propre croissance (en tant qu’hormones de croissance). Or, certaines espèces de bactéries et de champignons parasites des plantes sont capables de manipuler la plante hôte pour assurer leur subsistance en produisant et en utilisant leurs propres CK. Il a aussi été avancé que certains insectes utilisent les CK pour induire la production d’excroissances (galles) sur la plante et les utiliser pour abriter et alimenter leurs larves. Dans cette étude, nous avons utilisé une technique de chimie analytique pour séparer et identifier de nombreuses CK et en examiner la concentration chez 17 espèces d’insectes phytophages appartenant aux six grands groupes taxinomiques qui contiennent des espèces reconnues pour produire des galles : les Thysanoptères (thrips), les Hémiptères (pucerons), les Lépidoptères (papillons nocturnes), les Coléoptères (scarabées), les Diptères (mouches) et les Hyménoptères (mouches à scie). Cependant, les espèces choisies pour l’analyse dans chacun de ces groupes taxinomiques incluaient aussi des insectes qui ne produisent pas de galles. Nous avons trouvé des CK dans les six groupes d’insectes, et pas seulement chez les espèces produisant des galles. Nous avons détecté 24 types de CK qui différaient quant à leur composition chimique et aux activités biologiques qu’elles avaient dans les plantes. Les concentrations de CK observées étaient souvent nettement supérieures à celles naturellement présentes chez les plantes, ce qui semble indiquer que les insectes fabriquent leurs propres CK au lieu de les obtenir de la plante hôte en s’alimentant pour ensuite les accumuler dans leurs tissus. Ces résultats confirment que les insectes qui produisent des galles sont capables de produire leurs propres CK afin de manipuler le flux de nutriments dans les plantes (de même que les réactions de défense chimique contre l’herbivorie) à leur avantage. La présence généralisée de CK parmi les groupes taxinomiques d’insectes phytophages, notamment chez les espèces ne produisant pas de galles, semble indiquer que les CK produites par les insectes jouent un rôle plus général en leur assurant un meilleur accès aux nutriments de la plante dont ils ont besoin pour leur subsistance. Finalement, nous avons identifié un mécanisme chimique potentiel permettant aux insectes de fabriquer des CK, lequel semble beaucoup plus efficace que celui utilisé par les plantes pour fabriquer leurs propres hormones de croissance.

Résumé

© Les auteurs, 2020. Licencié : MDPI, Bâle, Suisse. Les cytokinines (CK) sont une classe de composés dont on a longtemps pensé qu’ils étaient des régulateurs de croissance exclusivement végétaux. Curieusement, il a été démontré que certaines espèces de bactéries et de champignons phytopathogènes produisent des CK et les utilisent pour manipuler les plantes hôtes, et il a été avancé que les insectes galligènes pourraient faire de même. Nous avons utilisé la spectrométrie de masse LC-ESI-MS/MS pour examiner la concentration d’une vaste gamme de CK chez 17 espèces d’insectes phytophages, incluant des espèces galligènes et non galligènes des six ordres de la classe des Insectes contenant des espèces reconnues pour produire des galles : les Thysanoptères, les Hémiptères, les Lépidoptères, les Coléoptères, les Diptères et les Hyménoptères. Nous avons trouvé des CK dans les six ordres d’insectes, et pas seulement chez les espèces galligènes. Nous avons détecté 24 analytes de CK de compositions chimiques et d’activités biologiques variées. Les cytokinines les plus abondantes et les plus répandues parmi les espèces d’insectes étudiées étaient les formes nucléotidique et ribosylée de la trans-zéatine (tZ) et de l’isopentényladénine (IPA) dérivées de précurseurs isoprénoïdes. II est intéressant de noter que les concentrations de CK observées étaient souvent supérieures à celles signalées chez les plantes, ce qui semble indiquer que les insectes synthétisent les CK plutôt que de les obtenir de leur plante hôte par la consommation de tissus, la séquestration de composés et la bioaccumulation. Ces résultats confirment que les CK provenant d’insectes permettent aux insectes galligènes de manipuler leur plante hôte afin de favoriser la prolifération cellulaire, et aux insectes tant galligènes que non galligènes de modifier le flux de nutriments et les défenses des plantes lorsqu’ils s’alimentent. De plus, la présence généralisée des CK chez les insectes phytophages, incluant les espèces non galligènes, semble indiquer que les CK apportées par les insectes ne servent pas seulement à produire des galles, mais pourraient jouer un rôle dans la manipulation des mécanismes sources-puits d’allocation des nutriments afin de maintenir le site d’alimentation et d’altérer les réactions de défense des plantes. Devant l’absence de preuve de l’existence de gènes impliqués dans la voie de biosynthèse de novo de CK chez les insectes, nous postulons que la voie de l’ARNt-IPT est responsable de la production de CK. Toutefois, la concentration anormalement élevée de CK dans les insectes, de même qu’un profil de CK souvent dominé par la tZ et l’IPA, portent à croire que la voie de l’ARNt-IPT fonctionne différemment chez les insectes, et qu’elle est beaucoup plus efficace chez ces derniers que chez les plantes.

Date de publication

2020-02-01