Effets de la décomposition de la litière régie par la température, et non par les propriétés du sol, sur l’état futur du carbone du sol

Citation

Gregorich, E.G., Janzen, H.H., Ellert, B.H., Helgason, B.L., Qian, B., Zebarth, B.J., Angers, D.A., Beyaert, R.P., Drury, C.F., Duguid, S., May, W.E., McConkey, B.G., Dyck, M.F. 2017. Litter decay controlled by temperature, not soil properties, affecting future soil carbon. Global Change Biology (in press). doi: 10.1111/gcb.13502

Résumé en langage clair

La décomposition de la litière végétale – les feuilles, tiges et racines non récoltées – est importante dans les sols agricoles, car elle transmet l’énergie aux organismes du sol, recycle les nutriments des plantes et rétablit la santé du sol. Mais les changements du climat et des pratiques agricoles qui sont déjà en cours pourraient agir sur ce processus vital de façons impossibles à prévoir.Pour réduire cette incertitude, une équipe scientifique composée de 12 chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada provenant de 9 centres de recherche a établi l’une des plus grandes études en la matière pour examiner la décomposition de la litière au Canada. De la paille marquée à l’isotope lourd de carbone 13C a été appliquée au sol de sites s’étendant sur un transect de 3 500 km au Canada. Cette approche a permis aux scientifiques d’effectuer le suivi du devenir du carbone des plantes dans le sol, de la même manière dont les médecins utilisent des marqueurs isotopiques pour effectuer le suivi du devenir des substances dans les analyses médicales. Une analyse périodique sur cinq ans a montré que le taux de décomposition de la litière était semblable dans tous les sites une fois que les effets de la température ont été pris en compte. Autrement dit, même si les sols et les conditions climatiques au Canada sont très variés, le taux de décomposition a pu être prévu avec précision au moyen d’une simple équation.Grâce à cette équation, les scientifiques peuvent maintenant prévoir de quelle façon les changements climatiques pourraient agir sur la décomposition de la litière végétale. Par exemple, les changements climatiques dans les quelque 50 prochaines années accéléreront considérablement la composition de la litière végétale : la décomposition quasi totale de la litière pourrait prendre jusqu’à deux ans de moins. Cet effet pourrait accélérer la libération de l’énergie et des nutriments contenus dans la litière, mais aussi accentuer les changements climatiques en libérant le CO2 plus rapidement.Cette étude, toujours en cours, montre comment un effort collaboratif déployé sur plusieurs années peut nous aider à comprendre et à mieux gérer les processus écologiques essentiels dans les terres agricoles, dont nous dépendons tous.

Résumé

Des changements planétaires généralisés, notamment la hausse des concentrations de CO2 atmosphérique, le réchauffement climatique et la perte de biodiversité, sont prévus au cours du siècle actuel; tous ces changements agiront sur les processus de l’écosystème terrestre, comme la décomposition de la litière végétale. D’autre part, la décomposition accrue de la litière peut donner lieu à des rétroactions du cycle du carbone sur les concentrations de CO2 atmosphérique, le réchauffement climatique et la diversité. Il est toutefois difficile de prévenir la décomposition de la litière en raison de l’interaction de nombreux facteurs relatifs aux propriétés chimiques, physiques et biologiques du sol, ainsi qu’au climat et aux pratiques de gestion de l’agriculture. Nous avons appliqué de la litière végétale marquée au 13C au sol de 10 sites s’étendant sur un transect de 3 500 km dans les régions agricoles du Canada, puis mesuré sa décomposition sur 5 ans. Malgré de grandes différences quant aux propriétés du sol et au climat, la cinétique de la décomposition de la litière a été décrite avec précision (R2 = 0,94; RMSE = 0,0508) par un modèle de décomposition exponentielle « à deux bassins » qui a simplement exprimé le carbone non décomposé comme une fonction du temps thermique, calculé d’après les degrés-jours cumulatifs. Les propriétés du sol comme la texture, la capacité d’échange cationique, le pH et l’humidité, même si elles étaient très différentes d’un site à l’autre, ont eu une influence perceptible minime sur la cinétique de la décomposition. En soumettant ce modèle de la cinétique à différents scénarios de changement climatique, nous avons prévu que le temps nécessaire pour décomposer 50 % de la litière (les fractions labiles) serait réduit de 1 à 4 mois, tandis que le temps requis pour décomposer 90 % de la litière (y compris les fractions récalcitrantes) serait réduit de 1 an dans les sites de faibles températures, et pourrait atteindre 2 ans dans les sites de températures élevées. Ces constatations confirment de manière quantitative la sensibilité de la décomposition de la litière aux augmentations de température, et montrent de quelle façon les changements climatiques pourraient limiter le stockage futur du carbone du sol, un effet qui ne semble pas être régi par les propriétés du sol.